Réponse à l'idée reçue : "Le capitalisme, c'est pas parfait, mais c'est le seul système qui marche !"

Rédigé le 20 mars 2012

Bien que tout le monde puisse en constater les imperfections, le capitalisme est très souvent présenté comme la forme la plus naturelle d’organisation de la société. A droite bien sûr. Mais également maintenant, dans les programmes officiels de la social-démocratie. Le capitalisme n’est plus considéré comme un objet de débat politique, mais comme un a priori de tout positionnement politique possible : « Oui, nous pensons que l’économie de marché constitue le moyen de production et d’échange le plus efficace. Non, nous ne croyons plus à une rupture avec le capitalisme. »1 Et pourtant, nos sociétés ne sont pas soumises au capitalisme comme les pierres sont soumises à la gravité. Le capitalisme n’est pas une loi de la nature, mais une modalité particulière et contingente de l’action humaine. Tenir le capitalisme pour le seul système qui marche n’est-il donc pas au mieux de la paresse intellectuelle ou au pire une justification idéologique ?


« Le capitalisme ne peut s’effondrer, c’est l’état naturel de la société.

La démocratie n’est pas l’état naturel de la société. Le marché, oui. » 

Alain Minc, Cambio 16, décembre 1994.


I/ Le capitalisme : ça ne marche pas !


1/ Un système réducteur


       Le capitalisme pose déjà problème dans sa définition : il oriente l'ensemble de l'économie vers la satisfaction de l'intérêt des propriétaires du capital : le profit. Par ailleurs, il se trouve que ce système est étroitement solidaire de l'économie de marché (libéralisme économique), qui désigne l'espace des échanges de biens et de services régi par la loi de l'offre et de la demande et le principe de la libre concurrence. En régime libéral, le capitalisme tend ainsi à transformer toutes choses en marchandises (c'est-à-dire en produit ayant une valeur sur le marché) et à mettre sur tous les plans l'ensemble des êtres humains en concurrence les uns avec les autres. Un système aussi réducteur et borné est déjà, sur le plan théorique et logique, totalement utopique, puisqu'il ne satisfait qu'une part très étroite du champ des possibilités de satisfaction humaines.


2/ Un système qui crée de l'inégalité


        Dans une société de marché capitaliste, ce n'est plus l'économie qui est au service des êtres humains, mais ce sont les êtres humains qui deviennent une matière pour la reproduction du capital, ainsi réduits à être une « ressource humaine », un « capital humain », des « variables d'ajustement ». Le marché qui, à l'origine, dans la théorie libérale, devait être un moyen de régulation sociale neutre, pacifique et impartial des intérêts individuels, se renverse en un ordre supérieur orientant l'ensemble des activités humaines indépendamment de leur volonté et les soumettant à l'empire exclusif d'un seul et même intérêt : celui du capital. Que devient la liberté ? Une liberté pour le capital de s'accumuler aux pôles les plus attractifs et les mieux dotés en puissance, ce qui engendre mécaniquement des effets durables de domination privée. Seule l'intervention mobilisatrice, redistributrice et correctrice de l'Etat peut alors contrecarrer l'accroissement nécessaire des inégalités engendré par la libre régulation de l'économie selon les intérêts du capital1. Un système économique qui « marche » devrait être un système qui a la vertu de favoriser, sinon d'engendrer une plus grande égalité entre les individus (au sens de notre devise républicaine), et pas le contraire !


3/ Le capitalisme ne marche pas, il résiste


       Le capitalisme est par nature un moyen contraire à l'édification d'une société libre, égalitaire, émancipée, etc. En réalité, le capitalisme marche/résiste parce qu'il est sous la protection des hommes qui ont le pouvoir (les politiques, les médias, etc.) et parce que son hégémonie n'est pas achevée. Le capitalisme aurait depuis longtemps conduit à la ruine complète de la société si les Etats et les luttes sociales n'étaient pas régulièrement intervenus dans l'histoire pour le sauver des multiples crises qu'il a engendrées (crises financières, industrielles, crise de la dette, de la surproduction, etc.), pour lui donner un encadrement juridique (code du travail, droits de douane, code du commerce, etc.), pour l'obliger à partager des richesses (impôts, taxes, cotisations), pour le contraindre au respect des travailleurs, de l'environnement, etc.


II/ Le capitalisme n'est pas le seul système possible


1/ Le champ des possibles


       C'est un fait incontestable que tous les systèmes politiques et économiques possibles n'ont pas encore été testés, et nous pouvons montrer que certains sont au moins a priori crédibles. Il est donc absurde d'affirmer que le capitalisme est le seul système qui marche. On objectera que nous avons déjà fait l'expérience du « communisme ». Mais le stalinisme n'a jamais été l'incarnation des systèmes communistes ou socialistes tels qu'on les trouve dans les œuvres de leurs théoriciens. Le stalinisme est un système totalitaire2 qui n'a strictement rien à voir avec ce que les formations anti-capitalistes contemporaines proposent.


2/ Les expériences alternatives


       Il existe de fait des lois et des expériences alternatives qui ont déjà fait la démonstration de leur valeur, de leur pertinence et de leur crédibilité. Ainsi nombre de grandes réformes considérées aujourd'hui comme des progrès sociaux majeurs ont été arrachées à l'opposition capitaliste par la lutte sociale ou mises en œuvre par des politiques de gauche3. En outre, de nombreuses expériences4, montrent qu'il est possible d'organiser autrement la vie économique, bien qu'elles ne soient pas généralisées faute d'accès à la représentation politique dans l'Etat : les AMAP5, les SCOP6, la Nef7, etc. et d'une façon plus générale le micro-financement solidaire, l'autogestion8, l'économie sociale et solidaire, le socialisme associatif9, la démocratie d'entreprise10, la planification incitative et programmatique, etc.


3/ Une alternative au capitalisme est le seul système souhaitable


       Il existe donc de fait des expériences alternatives dont nous savons qu'elles sont plus émancipatrices, plus démocratiques, qu'elles rendent les hommes plus égaux et plus libres, qu'elles permettent un épanouissement supérieur et qu'elles forment des communautés plus solidaires, qu'elles exploitent moins durement l'environnement et qu'elles engendrent des conditions de vie et de travail plus décentes. Si tel est le cas, notre devoir civique, qui impose à chacun de travailler dans le sens du bien commun et de l'intérêt général, nous ordonne de prendre connaissance de ces expériences alternatives isolées, d'en faire la promotion et de chercher par la lutte politique à les rassembler en un nouveau système d'organisation de la vie économique collective.


III/ Le système capitaliste n'est pas une fatalité


1/ Le capitalisme est une construction politique


       Le capitalisme n'est pas une fatalité. Il est le résultat d'une construction historique politique, il peut donc être déconstruit par le même moyen. Le capitalisme naît en Angleterre au 16e siècle entre autres à la suite d'un changement dans les rapports sociaux de propriété11 : les seigneurs abandonnèrent les règles de fermage du droit coutumier et introduisirent un système de mise en concurrence des fermiers pour l'obtention des baux d'exploitation des terres. « Dans ce nouveau système agraire, écrit l'historienne Meiksins Wood, les seigneurs avaient donc tendance à encourager leurs fermiers à trouver des façons de réduire les coûts, en augmentant la productivité du travail. Et quand ils le pouvaient, ils les forçaient à en trouver. »12 Cette construction historique peut et doit donc être dépassée puisqu'elle n'est qu'une configuration historique possible et qu'elle a fait la démonstration de son caractère nocif pour l'émancipation des hommes et la préservation de la planète.


2/ Le capitalisme n'est pas naturel


       Le capitalisme n'est pas une fatalité car il n'est pas inscrit dans le génome de l'humanité. L'être humain, en effet, ne recherche pas naturellement la maximisation de ses gains. Alors que toutes les sociétés humaines se sont historiquement organisées pour autoriser la poursuite égoïste des gains matériels dans les limites du respect d'autres mobiles jugés supérieurs (la solidarité, etc.), seule la société capitaliste autorise la poursuite du bien commun, du partage, du savoir, de la solidarité, etc. dans la mesure où cela favorise ou du moins n'entrave pas la production de profits. Ainsi la solidarité, l'entraide, l'empathie pour autrui, l'amitié, etc. sont des dispositions indéniablement positives et naturelles, mais parce qu'elles conduisent généralement les salariés, les collègues à prendre soin les uns des autres, à se défendre collectivement, à se syndiquer, etc., ces vertus ne sont pas dans l'intérêt de l'entreprise capitaliste, qui fait davantage de profits si les salariés sont isolés, dociles, individualistes, faibles.


3/ La critique du capitalisme est notre devoir civique !


       Si le capitalisme est très imparfait, injuste et même dangereux lorsqu'il s'affranchit de toute contrainte légale adverse, si c'est une chose que chacun peut facilement admettre, alors il est de notre devoir civique de mettre en lumière cette imperfection, de la soumettre à la critique et de réfléchir à des alternatives possibles. Si l'on peut comprendre que, d'un point de vue personnel, on n'ait ni l'envie, ni le temps, ni la force d'entreprendre cette critique, se servir de cette phrase comme argument inhibiteur et démobilisateur auprès des autres est par contre une faute civique. Le système capitaliste peut et doit être dépassé.


Une version longue plus argumentée sera bientôt disponible à cette adresse .


1 Cf. sur ce point Jean-Fabien Spitz, Le moment républicain en France, Gallimard, Collection NRF Essais, Mesnil-sur-l'Estrée, 2005. Avec cette réserve que cet auteur s'en tient à l'interprétation strictement républicaine de l'Etat, qui « n'est pas un rôle d'assistance ou de redistribution mais de mobilisation » (p. 51 par. 3), ce qui le distinguerait d'un Etat socialiste.

2 Jeanine Verdès-Leroux, « Une institution totale auto-perpétuée », Actes de la recherche en sciences sociales, Volume 36-37, février/mars 1981, p. 33 col. 1 fin.

3 La syndicalisation des travailleurs (1884), loi sur l'assistance médicale (1893), les lois sur les accidents du travail (1899), la semaine de 40h et les congés payés (1936), la création de la Sécurité Sociale (Ordonnance de 1945), la généralisation de l'assurance vieillesse dans le cadre du régime général (1946), l'instauration du SMIG (1950) puis du SMIC (1970), la loi sur la troisième semaine de congés payés (1956), la retraite à 60 ans (1982), la semaine de travail de 39 heures et la 5e semaine de congés payés généralisée (1982), etc.

4 Cf. Produire de la richesse autrement, usines récupérées, coopératives, micro-finance... les révolutions silencieuses, sous la direction , de Julie Duchatel et Florian Rochat, PubliCetim n° 1, Genève, octobre 2008. On trouvera également de quoi réfléchir dans Tony Andréani, Le socialisme est (a)venir 2. Les possibles, Syllepse, Saint-Just-La-Pendue, 2004.

5 Associations pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne. Cf. http://www.reseau-amap.org/

6 Sociétés Coopératives et Participatives. Cf. http://www.les-scop.coop/sites/fr/

7 Créée en 1988, la Société financière de la Nef est une coopérative de finances solidaires.

8 Cf. Catherine Samary, Le marché contre l'autogestion, La Brèche, 2000.

9 Cf. Tony Andréani, Marc Féray, Discours pour l'égalité parmi les hommes. Penser l'alternative, Paris, L'Harmattan, 1993, chapitre 9.

10 Cf. Gérard Mendel, Philippe Roman, Mireille Weiszfeld, Vers l'entreprise démocratique, Paris, La Découverte, 1994.

11 Cf. Ellen Meiksins Wood, L’origine du capitalisme. Une étude approfondie (2002), Humanités, Lux, 2009 ; Jean Baechler, Les origines du capitalisme, Gallimard, NRF Idées, 1971.

12 Ellen Meiksins Wood, L’origine du capitalisme. Une étude approfondie (2002), Humanités, Lux, 2009, p. 158 par. 3.


Contributions

Mauricio Rodriguez a dit le vendredi 13 avril 2012 à 14:57 : #1

Les ayatollahs du libéralisme, ils ne cherchent pas à « reformer » la France pour l’intérêt du pays, du plus grand nombre : vos reformes serviront à bâtir une ploutocratie ; renfoncer, enrichir une petite oligarchie. En plaçant « le bénéfice, la compétitivité » au centre de votre système vous détruisez les hommes et l’environnement, vous nous menez à la guerre.

Pour nous soumettre vous comptez sur l'ignorance, la distraction : "Les rares personnes qui comprendront le système seront soit si intéressées par ses profits, soit si dépendantes de ses largesses qu’il n’y aura pas d’opposition à craindre de cette classe-là ! La grande masse des gens, mentalement incapables de comprendre l’immense avantage retiré du système par le capital, porteront leur fardeau sans se
plaindre et peut-être sans même remarquer que le système
ne sert aucunement leurs intérêts"
Rothschild Brothers of London, citant John Sherman, communiqué aux associés , New York, le 25 juin 1863.
VIVE LE FRONT DE GAUCHE : http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=pB3BjA6XqMY

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